Reflets d’une certaine intimité familiale

Réalisée entre 1971 et 1975, puis entre 1985 et 1989, la série de photographies de Masahisa Fukase présente ses proches dans une mise en scène dépouillée mêlant quotidienneté et incongruité, comme autant de vérités sur chaque cellule familiale.

Masahisa Fukase, photographie extraite du livre FAMILY/KAZOKU (MACK, 2019).
Avec l’aimable autorisation des archives Masahisa Fukase et de MACK.

La beauté des images de Masahisa Fukase réside dans leur quotidienneté brusquée. Durant l’été 1971, alors âgé de trente-sept ans, l’artiste est rentré à Bifuka, petite ville au nord du Japon qu’il a quitté pour suivre ses études. Le cadre n’a pas changé : il y a retrouvé le studio de photographie familial, tenu depuis trois générations. Ses parents, eux, vieillissent. Pris par un sentiment de nostalgie, il décide alors de faire de ses proches le sujet de sa nouvelle série. Jusqu’à 1989, il retourne fréquemment voir les membres de sa famille et les photographie. À la différence de ses précédents travaux, le style est simple, frontal, à l’image des clichés qui sortent habituellement de ces studios de province. Sur un fond gris, Fukase pose en compagnie de ses parents. La cellule familiale s’agrandit avec les nouveau-nés, voit arriver de nouvelles têtes et disparaître les aînés. Pour autant, cette étude n’est pas purement objective. Le photographe y introduit, avec malice, des modèles avec lesquelles il a l’habitude de travailler. Les protagonistes sont tantôt de face, tantôt de dos, habillés ou à demi-nus, solennels ou clownesques. Les combinaisons s’enchaînent comme autant de moments d’une vie qui s’échappe. La douceur, l’absurdité et l’amour qui se dégagent de ces images représentent la quintessence du médium photographique : la capture de l’éphémère. En 1992, Fukase chute accidentellement dans un escalier. Maintenu pendant vingt ans dans un coma artificiel, il s’éteindra en 2012, laissant derrière lui une œuvre marquée par la mélancolie et l’introspection.

FAMILY/KAZOKU (2019) de Masahisa Fukase est publié par MACK